Les soins relationnels font partie des compétences principales de la profession infirmière. Cependant, il reste important de se questionner : par quels moyens l’infirmière peut-elle mettre en place une relation d’aide ? Ce sujet étant vaste, nous allons principalement nous focaliser sur trois grands axes : la considération du patient, la prise en compte de ses émotions ainsi que la communication.
I – La considération
1. Par le respect et la dignité
Tout d’abord, prendre en considération le patient dans sa globalité est essentiel. Cette considération passe inévitablement par le respect. Hélène Lazure (1987) nous parle de cette notion (étroitement liée à celle de la dignité) qui semble la base de la considération de la personne : « respecter un être humain, c’est croire profondément qu’il est unique et qu’à cause de cette unicité, il est le seul à posséder tout le potentiel spécifique pour apprendre à vivre de la façon la plus satisfaisante pour lui », « respecter le client, c’est l’accepter chaleureusement, dans sa réalité présente d’être unique ; c’est lui démontrer une considération réelle pour ce qu’il est avec ses expériences, ses sentiments et son potentiel ». Il s’agit donc de mettre en application ce principe de respect tout en veillant à maintenir la bonne distance thérapeutique.
Michel Personne (2006) nous explique que c’est ce respect de la personne qui favorisera l’échange : « c’est que le malade ne s’abandonne à l’échange qu’à condition d’être en confiance, faisant par exemple l’expérience d’un intérêt réel lors d’un témoignage d’affection, ou ne jette ses dernières forces dans la bataille qu’à condition de se sentir respecté, non pas poussé à faire mais aidé à faire (…) non pas désigné comme perdu mais bien reconnu comme conscient des dangers qui l’entourent ». En effet, créer une relation de confiance est primordiale. Cette relation permettra un meilleur accompagnement dans les soins relationnels. On observe que cela favorise également l’alliance thérapeutique. Ainsi, c’est la prise en charge globale qui s’y voit améliorée.
Ensuite, l’infirmière se doit de considérer le patient comme un être unique et non comme un objet de soin. Annoncé de la sorte, cela peut sans doute paraître évident. Pourtant, certaines dérives tendent à concrétiser se phénomène de manière insidieuse. Michel Personne (2006) vient nous rappeler ce principe : « il est vain de vouloir réduire les symptômes et la souffrance personnelle et familiale aux lésions cérébrales ou au fait de prendre ou non le traitement ».
Il faut considérer le patient dans sa globalité en prenant en compte ses ressentis, mais aussi son vécu comme nous l’explique Hélène Lazure (1987) : « en effet, si l’infirmière veut que son client se sente vraiment compris, elle doit lui communiquer ce qu’elle comprend de ce qu’il vit ». Marie de Hennezel (2004), explique à l’inverse que c’est le manque de considération qui induira une souffrance pour le patient : « car la vraie souffrance n’est pas tant dans la maladie elle-même que dans tout ce qui l’entoure, l’attitude fuyante ou indifférente des autres, le silence, le manque d’information, d’écoute, de dialogue ». L’enjeu, ici, est de rester dans un positionnement empathique et bienveillant.
2. La perception du non verbal
De plus, il faut savoir que cette considération sera très largement perçue par le patient. Consciemment ou non, c’est par le regard qu’on lui porte qu’il se sentira considéré. Geneviève Desmoures (2003) développe cette idée dans le cadre des démences : « l’homme a besoin d’autrui pour arriver à la conscience de lui-même. Dans la sensation de vide psychique qui l’envahit le patient peut se poser la question de son existence. Suis-je encore-moi si je ne pense plus ? C’est alors que les autres, leurs attitudes et leur regard lui permettent d’exister comme autant de moyens d’étayage de sa pensée mais aussi de son moi défaillant ». Michel Personne (2006) nous explique également cela en faisant émerger la question de l’impact sur le patient : « nous ne nous sentons exister qu’après avoir pris contact avec les autres ce qui pose en retour la problématique de ce qu’il en est de la détérioration chez le malade et de ce qui est provoqué par un sentiment de non existence dû au manque cruel de feed-back quant à ses marques identitaires persistantes ».
Carl Rogers (1961) enrichit également l’idée que ces attitudes ont un réel impact : « la considération donnée sera très largement perçue par le patient. Il semble évident que les relations d’aide efficaces ont des caractéristiques différentes de celles qui ne le sont pas. Ces caractéristiques spécifiques concernent essentiellement les attitudes de la personne qui aide, d’un côté, et la perception de la relation par celle qui est aidée, de l’autre ».
C’est effectivement notre regard qui est le miroir de la considération que l’on aura pour le patient comme nous le décrit Amin Maalouf (1998) « c’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances et c’est notre regard aussi qui peut les libérer ». Alain Raoult (2004) rappelle ainsi la nécessité de replacer la dimension humaine au cœur des soins : « dans toute communication qui se veut aidante il convient de mettre de la chaleur humaine, cette chaleur professionnelle qui dit à la personne qu’elle est essentielle et qui lui témoigne de l’intérêt ».
La considération donc, est un moyen fondamental que l’infirmière doit utiliser dans la relation d’aide. Elle est également le synonyme du respect de la personne, du respect de sa dignité. Elle permet au patient de se sentir existé et reconnu en tant qu’individu unique. Aussi, le regard et l’attitude portés seront très largement ressentis par la personne.
II – La prise en compte des émotions
Mettre en place une relation d’aide passe également par la prise en compte des émotions des patients. Pamela Miceli (2016) explique cet aspect fondamental dans les soins : « l’action de soin ne se limite pas à ses aspects matériels et aux finalités ultimes des processus décisionnels (entrée en institution, mise sous tutelle), mais peut être repérée à travers « une attention aux émotions du malade » », « chercher à éviter à la personne malade le constat de ses incapacités, agir de manière invisible, ou même ne pas agir, invitent à concilier les aspects instrumentaux de l’aide et ses aspects émotionnels et à laisser parfois les seconds primer sur les premiers. Notre propos est que l’attention aux émotions dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, telle que nous l’avons analysée, peut, dans certains cas comme ceux que nous avons évoqués, viser une finalité dépassant et transcendant la seule action de soin ». Ainsi, elle nous invite également à conscientiser l’impact des actes sur les émotions : mise en échec, négligence des besoins d’informations…
Indépendamment de la situation, prendre en compte le ressenti du patient doit naturellement émaner du rôle infirmier comme nous l’explique Geneviève Demoures (2003) : « sans relâche, dans un souci de rejoindre le patient il nous faut tenter de comprendre, de mettre du sens, de faire sens à ce qui paraît insensé, gênant, angoissant pour les autres autant que pour le malade ».
Prendre en considération les émotions du patient passe inévitablement par la capacité de croire le patient en toute circonstance. Hélène Lazure (1987) le relate dans son ouvrage : « pour être en mesure d’aider adéquatement, l’infirmière doit tout d’abord savoir et croire que son client, quelle que soit la nature de son problème de santé, est le seul détenteur des ressources de base pour résoudre ce problème ». En effet, la remise en question risquerait d’altérer la relation mise en place et la qualité du soin relationnel.
En plus de considérer le patient, établir une relation d’aide nécessite donc également de considérer ses émotions et de les croire.
III – La communication
Enfin, pour que l’infirmière puisse prendre en charge un patient par la relation d’aide, elle doit être capable de mettre en place une communication adaptée. Cette communication ne sous-entend pas nécessairement d’établir une relation au travers des mots. Geneviève Demoures (2003) explique que même par le silence, il est possible de communiquer et d’exprimer l’attention qu’on porte à l’autre : « toute parole appelle réponse ; même si elle ne que le silence, pourvu qu’elle ait un auditeur ». Avant même d’établir un échange, il est indispensable d’entrer dans un positionnement d’écoute active. Le patient doit quant à lui percevoir que son interlocuteur se rend pleinement disponible pour l’écouter.
Michel Personne (2006) fait également émerger l’importance de cette communication au sein d’un processus humanisant : « l’intérêt de ces approches plus tournées vers « l’au-delà des mots » est d’aider à faire émerger ces moments forts de reconnaissance de l’autre comme Co-être humain ». Il explique également que peu importe le moyen, il nous faut essayer d’entrer en communication avec la personne soignée et de lui donner sens : « le problème n’est pas forcément l’insuffisance de communication, ce serait plutôt celui posé par l’accès insuffisant à une compréhension qui restaure le lien social ».Dans le cadre des démences tels que la maladie d’Alzheimer, il précise également que l’ensemble des moyens de communication permettent de favoriser ce qui peut être altéré par la perte de mémoire : « l’usage du canal non verbal permet de solliciter tout le non-dit de la mémoire ».
Hélène Lazure (1987) fait le lien entre relation d’aide, communication et dignité puisqu’elle explique que l’infirmière doit mobiliser les ressources personnelles du patient afin de faciliter la communication, le tout sans jamais utiliser de jugement : « en les aidant à développer leur capacité de spécifier au moyen des questions (…), ils arrivent à clarifier leur problème non seulement pour eux-mêmes mais aussi pour les aidants qui veulent comprendre ce qu’ils vivent. Justifier devant l’infirmière puisque cette dernière veut le comprendre, l’aider à se comprendre et non le juger ».
En somme, l’infirmière peut réaliser une relation d’aide adaptée au travers de divers moyens. La considération est primordiale, incluant notamment le respect de la personne dans sa globalité. Cette considération est fortement ressentie par le patient, elle lui permet entre autres de se sentir exister, vu et entendu. La relation d’aide se crée donc grâce à la prise en compte de la personne, mais aussi de ses sentiments et de ses ressentis permettant ainsi une humanisation des soins. La communication doit également être adaptée en fonction de la personne. Qu’elle soit verbale ou non-verbale, cette communication favorise la croissance chez l’autre en lui permettant de maintenir des liens, d’obtenir une reconnaissance de ses pairs, de faire sens…
Sources :
De Hennezel Marie (2004). Le souci de l’autre.
Demoures Geneviève (2003). Parole de déments parole aux déments.
Lazure Hélène (1987). Vivre la relation d’aide.
Maalouf Amin (1998). Les identités meurtrières.
Miceli Pamela (2016). L’attention aux émotions dans la prise en charge familiale de la maladie d’Alzheimer.
Personne Michel (2006). Accompagner la maladie d’Alzheimer – les médiations de la réussite.
Raoult Alain (2004). Démarche relationnelle ; relation d’aide et relation d’aide thérapeutique.
Rogers Carl (1961). Le développement de la personne.
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