Appréhender la douleur chronique
Avec une prévalence de plus de 30% des Français, la douleur chronique s’est peu à peu imposée comme l’une des problématiques majeures de la santé publique. Source de handicap et de souffrance au quotidien, elle amène les patients dans une recherche constante de moyens d’apaisement. Mais sait-on réellement traiter la douleur chronique ? Quels sont les possibilités et les parcours de soin envisageables ?
I – Qu’est-ce que la douleur chronique ?
La douleur est qualifiée de chronique si elle répond à l’ensemble des critères suivants :
– Est récurrente ou persiste depuis au moins trois mois.
– Les médicaments ne parviennent pas à la traiter.
– Elle ne remplit plus la fonction d’alerte. Elle n’est donc plus considérée comme un symptôme, mais comme une maladie. – Elle altère la qualité de vie sous toutes ses dimensions, ainsi que l’entourage de la personne.
La douleur chronique se différencie de la douleur aiguë, qui est quant à elle brève et réversible. Par exemple, une douleur causée par l’appendicite est qualifiée d’aiguë, tandis qu’une douleur liée aux migraines est considérée comme chronique.
Il existe quatre types de douleurs chroniques, que l’on classifie selon les processus physiopathologiques en cause. Tout d’abord, il y a les douleurs inflammatoires, induites par une inflammation qui perdure de façon anormale. C’est notamment le cas des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ou encore des rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC). Ensuite, il y a les douleurs neuropathiques, causées par une atteinte du système nerveux central ou périphérique. Certaines douleurs trouvent leurs causes dans des processus inflammatoires et neuropathiques : on parle alors de douleurs mixtes. Enfin, il y a les douleurs nociplastiques. Celles-ci sont induites par une altération du système de détection de la douleur, appelé nociception. Le traitement envisagé sera donc différent en fonction de l’étiologie de la pathologie.
Bien qu’il s’agisse d’une expérience sensorielle et émotionnelle subjective, elle n’en reste pas moins douloureuse pour la personne. Étant donné les impacts de la douleur chronique, bénéficier d’une prise en charge complète et qualitative s’avère donc essentielle pour préserver la qualité de vie et l’autonomie des patients.
II – Prise en charge médicale
Pour tenter de répondre au mieux aux besoins des patients, la Haute Autorité de Santé a, en collaboration avec le Collège de médecine générale et la Société française d’étude et de traitement de la douleur, rédigé un guide sur le parcours de santé des personnes atteintes de douleurs chroniques. Cette étude publiée en janvier 2023 vise à favoriser la coordination des différents intervenants du parcours de soin, à renforcer la prévention ainsi qu’à raccourcir les délais. Trois niveaux ont ainsi été établis en fonction des besoins des patients.
Le premier niveau : la médecine de ville
Pour tenter de prendre en charge les douleurs chroniques, les professionnels médicaux et paramédicaux de ville constituent la première intention du parcours de soin : médecins, kinésithérapeutes, infirmiers, psychologues… Toutefois, le médecin traitant joue un rôle fondamental puisqu’il se positionne en tant que coordinateur de ce parcours. En effet, après avoir établi le diagnostic médical, il permet de faire le lien avec les différents professionnels : adresser le patient aux spécialistes, élaborer un projet personnalisé de coordination en santé, réaliser des réunions de synthèse pluridisciplinaires…
Si cette prise en charge de niveau 1 s’avère insuffisante, le niveau 2 sera alors mis en place par le médecin.
Second niveau : les centres et services hospitaliers spécialisés
En seconde intention, le patient est ainsi adressé à des structures spécialisées dans la gestion de la douleur chronique (SDC). Celles-ci dispensent des consultations grâce à une équipe pluridisciplinaire. L’équipe, constituée de différents professionnels (médecins, psychologues, infirmiers…) Œuvrent dans un objectif commun : apaiser la douleur. Chaque accompagnement est personnalisé. Mais conjointement aux différents intervenants, le patient doit rester acteur de sa prise en soin par son accord et sa participation. En effet, l’alliance et l’observance thérapeutique constituent un enjeu majeur dans la réussite des soins. Les proches et aidants peuvent également être sollicités par les équipes soignantes.
Troisième niveau : les centres d’évaluation et de traitement de la douleur chronique
Lorsque les niveaux précédents se révèlent insuffisants, le patient est alors orienté dans des centres d’évaluation et de traitement de la douleur chronique. Ces structures permettent la réalisation de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP), d’évaluations complémentaires voire d’explorations additionnelles ou actes techniques. Il existe des spécialités au sein même de ses structures : prise en charge des douleurs liées au cancer, pour les enfants ou encore en lien avec l’endométriose. Selon les besoins, ils peuvent donner accès à des lits d’hospitalisation.
Mais bien que très performants, ces centres présentent malheureusement toujours des limites. En effet, et alors que l’on a conscience qu’une prise en charge tardive complexifie les possibilités thérapeutiques, on constate un délai d’attente toujours important ainsi que des inégalités territoriales notables.
III – Les traitements non médicamenteux
Parallèlement au traitement médicamenteux, d’autres méthodes sont progressivement proposées aux patients atteints de douleurs chroniques. On les appelle « thérapeutiques non médicamenteuses », « méthodes complémentaires » ou encore « moyens non pharmacologiques » … Elles regroupent ainsi un vaste panel de thérapies. Cependant, leur efficacité est-elle réellement prouvée ?
Les bénéfices
Une réponse générique et binaire ne peut être apportée, tant les thérapies proposées sont diverses. Cependant, il est vrai que certaines études ont pu démontrer l’efficacité des méthodes complémentaires sur la gestion de la douleur chronique. Par exemple, l’étude menée par la célèbre fédération hospitalo-universitaire américaine Mayo Clinic démontre l’effet antalgique de l’acupuncture sur des pathologies telles que la fibromyalgie. D’autres thérapies comme l’hypnose ont également prouvé qu’elles permettaient de soulager les douleurs liées à la sclérose en plaques ou encore au cancer. Toutefois, la contribution de l’effet placebo est également à prendre en considération dans l’interprétation des différents résultats.
Ces preuves scientifiques, bien qu’incomplètes, ont contribué à donner un fondement et une légitimité à ces thérapies. Ainsi, elles ont progressivement trouvé leur place au sein des cursus universitaires : DU d’hypnose médicale, DU hypnose en anesthésie…
Les limites
Il est indéniable que ce genre de traitement présente de nombreux bénéfices : absences d’effets secondaires, pas ou peu d’iatrogénie… Cependant, il faut avoir conscience de leurs limites, et ce dans le but de prévenir les dérives éventuelles. Tout d’abord, ce genre de traitement ne doit jamais se substituer au traitement ainsi qu’au suivi médical. De plus, il est important de recueillir l’avis de son médecin, celui-ci ayant un regard professionnel sur le dossier (contre-indications, recommandations…). De plus, toutes ces thérapies ne font pas toutes à ce jour l’objet d’une législation et d’un cadre défini. Ce flou laisse la porte ouverte à des pratiques parfois frauduleuses (praticiens incompétents, arnaques…). La vigilance doit donc être de vigueur, particulièrement lorsque la personne se retrouve en situation de vulnérabilité et de fragilité consécutive à sa douleur chronique.
La douleur chronique est un processus complexe. Pour parvenir à des résultats concluants, il faut donc envisager une prise en charge holistique, adapté à la situation et aux besoins des patients. Et parallèlement au parcours de soin traditionnel, des thérapies peuvent être envisagées. Mais bien que des actions à échelle nationale aient été mises en place, le chemin est encore long pour que tous puissent bénéficier d’une prise en charge rapide et pleinement adaptée.
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