Dans la peau d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer

Pour traiter de la pathologie d’Alzheimer dans sa globalité, il semble fondamental de prendre également en compte la perception de ceux qui en sont victimes. Car au-delà de l’angle théorique, il y a des vécus et des histoires de vie. Il s’agit des premières personnes concernées, celles qui vivent ou subissent.

La souffrance

En premier lieu, c’est la souffrance qui s’invite dans le quotidien des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Et qui de mieux qu’une personne atteinte de cette pathologie pour le verbaliser ? Eveleen Valadon (2017), dans son ouvrage, nous apporte un éclaircissement sur le ressenti de la maladie. Tout d’abord, elle évoque la présence quotidienne de la désorientation : « c’est ma vie, maintenant. Je suis en permanence un peu perdue », « ma pathologie, c’est le décalage horaire permanent, je suis ici sans être là ». Elle insiste également sur la détresse et l’angoisse induite par la maladie d’Alzheimer : « je me sens nulle, je n’y arrive pas. Il faut que vous le sachiez, cette pathologie est en soi anxiogène », « « renoncez à tout espoir vous qui entrez ici ». Pour l’instant, dans cette terrible maladie que j’ai, c’est ça, il n’y a pas d’issue. On n’a pas trouvé de remède efficace, juste des petites aides, des menus de consolations. Mais on est enfermé dans une bulle, où on tourne en rond. », « j’ai ce mal, mais je suis capable d’exprimer la détresse, que par ailleurs, j’essaie de dissimuler ». En effet, et encore plus lors de l’apparition des premiers symptômes, la personne à conscience de sa situation.  Un constat très anxiogène qu’il est nécessaire de prendre en considération.

 

Michel Personne (2006) explique que le patient est « acteur et victime de ses symptômes ». La personne vit donc sa maladie et la subit également inévitablement. Si les symptômes peuvent être source de souffrance, c’est aussi le regard qu’on lui porte qui pourra également en être la source. Judith Mollard-Palacios et Valéry Lechenet (2016) expliquent cette idée : « peur du regard de l’autre, peur d’être vu comme hors norme, hors circuit, et de susciter le rejet et la stigmatisation. En effet, les représentations sociales de cette pathologie moderne qu’est la maladie d’Alzheimer ne manquent pas. Toutes véhiculent, par les mots utilisés pour la désigner, « dégénérescence », « démence », « détérioration », des peurs archaïques de déshumanisation, de naufrage de l’esprit ». En somme, en plus de ses propres difficultés, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer doivent composer avec les représentations et les jugements que leur renvoient les autres.

            Dans le cadre de cette souffrance induite par la maladie, il sera donc fondamental pour les proches et les soignants de la prendre en charge et de l’accompagner, comme nous l’explique Geneviève Demoures (2003) : « la personne malade aura besoin de soutien psychologique pour affronter le quotidien de sa maladie et être capable de donner du sens à l’épreuve qui l’attend. Ce soutien doit pouvoir étayer une identité fortement fragilisée par les pertes successives, où la personne se sent changer tout en restant intrinsèquement la même. L’enjeu de l’accompagnement est alors de permettre à la personne de faire face à la maladie, au sens de pouvoir affronter la situation, sans chercher à fuir une réalité douloureuse, tout en étant accompagnée au fur et à mesure ».

Les conduites réactionnelles

            Enfin, nous pouvons affirmer que cette souffrance est à l’origine de certaines conduites, dont l’agitation. Cela peut se manifester de divers manières : cris, violence physique… Geneviève Demoures (2003) nous rappelle que tout cela peut refléter un besoin d’exister et d’être entendu. En effet, dans certains cas, il s’agit d’un des seuls moyens restants permettant d’inviter au lien social : « les vocalises qui leur permettent d’entendre par leur voix qu’ils existent bien encore, les cris « madame, madame, madame » qui demandent la présence rassurante ». Les cris sont également la manifestation de la souffrance, comme le relate Michel Personne (2006) : « le cri est la réalité de l’angoisse. Est-il une transformation du langage, une demande de présence, une réponse à des stimulations trop intenses ou à un isolement mal supporté ? Il est bien difficile de se prononcer dans l’instant où l’on est confronté à cette saillance de l’être ». Cela peut également correspondre à un moyen de communication auquel ils ont encore accès, comme nous l’explique Judith Mollard-Palacios et Valéry Lechenet (2016) : « avec la perte du langage, la peur peut alors s’exprimer à travers des cris, des appels à l’aide, de la déambulation et de l’errance, des conduites d’opposition ».

Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer se trouvent indéniablement dans une souffrance considérable. Que ce soit par leurs symptômes, par les représentations qu’on leur associe ou par le regard qu’on leur porte, le vécu de ces patients est parfois difficile. De plus, cette souffrance engendre certaines conduites dont des cris correspondant au reflet d’une angoisse, d’une demande de présence, d’un besoin de se sentir exister…

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